29 Mai 2017

Hydrologie spatiale : déluge de données en vue

Une équipe internationale vient de publier la 1ère base de données cartographiant les zones humides de notre planète et leur dynamique temporelle entre 1993 et 2007 à la résolution inédite de 90 m. Elle sera étendue jusqu'à 2017 afin de se préparer au déluge de données de SWOT, un satellite qui révolutionnera l’hydrologie continentale.

L'hydrologie spatiale a de beaux jours devant elle. Le satellite franco-américain SWOT y sera pour beaucoup. Ce satellite dont le lancement est prévu en 2021 observera à la fois l'étendue spatiale, la hauteur et la pente des fleuves. Autrement dit, il sera capable de voir les fleuves en 3D ! « SWOT permettra de mesurer les variations de stock d’eau et de débit de fleuves à des échelles mensuelles, saisonnières et annuelles. Ces informations amélioreront de manière radicale des modèles hydrodynamiques fluviaux » souligne Selma Cherchali, responsable du programme ''surfaces continentales'' au CNES.

Pour exploiter au mieux le déluge de données annoncé (près d'un tera octets de données tous les jours), la communauté scientifique se prépare. En avril 2017, une pierre a été posée avec la publication de GIEMS-D3, la 1ère base de données qui cartographie, à l'échelle planétaire et avec une résolution au sol de 90 m, les zones humides et leur dynamique temporelle entre 1993 et 2007. En 2013, le programme TOSCA du CNES avait soutenu les premiers travaux permettant la désagrégation des données GIEMS aux résolutions hectométriques et ce dans le cadre des travaux préparatoires à la mission SWOT.

Illustration SWOT

Vue d'artiste de SWOT. Crédits : CNES.

Carte risques d'inondationq

Probabilités d’inondation estimées par GIEMS-D3 pour l’ensemble du globe avec des zooms sur certains fleuves et zones humides. Crédits : Aires et al. 2017.

Des données multi-satellites

GIEMS-D3 intègre les informations provenant d'une dizaine de satellites équipés d'instruments utilisant différentes fréquences du rayonnement électromagnétique : micro-ondes passives et actives, visible et infrarouge. « Les données micro-ondes passives issus des radiomètres sont au coeur de la base de données. Ce rayonnement détecte l'eau sous la végétation contrairement aux instruments optiques de type Landsat. Cette aptitude est essentielle pour suivre des bassins comme l'Amazone ou le Gange-Brahmapoure. SWOT en sera aussi capable » souligne Filipe Aires, directeur de recherche au LERMA et premier auteur de ce travail publié dans Journal of Hydrometeorology.

Pour aboutir à la résolution inédite de 90 m, les chercheurs ont aussi utilisé les données de satellites optiques et des méthodes ''big data'' de désagrégation spatiale permettant de faire de la réduction d'échelle (downscaling). « Lorsque SWOT fournira ses données, il sera possible de calibrer cette réduction d'échelle sur SWOT et non plus sur des modèles numériques de terrain. Cela permettra ''d’étendre'' la période SWOT dans le passé ; on obtiendra alors une  base de données du suivi des inondations de plusieurs décennies » indique le chercheur. 

Probabilités d'inondation sur le bassin de l'Amazone estimées par GIEMS-D3 à partir de données multi-satellites. Crédits : Filipe Aires / LERMA.

Prochaine étape : étendre la base

Mais pourquoi s'être arrêté en 2007 ? Car les données ne coulaient plus de source ! « Des données nécessaires à la production initiale de GIEMS provenait d’une base de la NASA qui n’est pas disponible au-delà de 2007. Grâce à un nouvel algorithme n’utilisant pas ces informations auxiliaires, nous pensons pouvoir étendre la base jusqu'à 2017. Nous pourrons alors aussi intégrer les informations des derniers satellites européens d'observation de la Terre : du satellite radar Sentinel-1A lancé en 2014 et du satellite optique Sentinel-2A lancé en 2015 »  indique Catherine Prigent, chercheuse au LERMA et co-auteure de la publication.

Un gros travail de mise en cohérence et de calibration se profile à l'horizon. Il se réalisera en partie à travers une thèse cofinancée par le CNES qui pourrait débuter en septembre prochain. « Notre objectif est de pouvoir intégrer immédiatement les données de SWOT lorsqu'il sera en orbite afin de (1) les comparer aux 3 décennies précédentes, et (2) de débuter le plus rapidement possible l’exploitation scientifique des données SWOT. La création d’une longue série temporelle requiert un gros travail de calibration de la succession d’instruments pour le suivi des inondations mais ce travail est essentiel si l'on souhaite observer et modéliser les effets du réchauffement climatique sur l'hydrologie de nos continents, ou pour prédire les évènements extrêmes tels que les sécheresses et les inondations » conclut Filipe Aires.

Delta du Gange observée par le satellite européen Sentinel-2A le 17 mars 2017. Crédits : Copernicus 2017, ESA.

Références des publications

 

Contacts

  • Filipe Aires, directeur de recherche au LERMA (Observatoire de Paris) : filipe.aires at obspm.fr
  • Selma Cherchali, responsable du programme ''Surfaces continentales'' au CNES : selma.cherchali at cnes.fr